Le Rhin

 

Le Rhin en Alsace ou le rêve perdu

 

Le Rhin cogne des pieds et des poings
sur les barrreaux de sa cage
il veut quitter ce lit trop étroit
et enlacer de ses multiples bras
sa plus belle conquête
La Plaine d'Alsace

Peine perdue
Les hommes ont brisé ses ardeurs
et rangé ses folies passagères dans les tiroirs


Le vieux fleuve se lamente dans son couloir
et implore le ciel  de lui venir en aide
un  vent soudain  s'empare de la plainte
et libère de l'oubli ses  colères  légendaires 
le tonnerre escorté d'une meute d'éclairs sonne la charge
les nuages tombent leurs masques 
franchissent les crêtes
dévalent les pentes   
et offrent au  félin l'ivresse des jours de fête


Sans faire de vagues
le Rhin franchit les berges
se faufile entre les maisons à colombages
escalade les marches en grès des vosges
pousse les lourdes portes en chêne
puis surpris aux premières lueurs
et chassé à coup de seaux ou de prières
le forcené se déchaîne
et déploie sa mauvaise humeur à hauteur de coeur

Rêve perdu
Le jeune torrent nourrit de neige
et glissant sans répit entre les écueils du temps
s'est essoufflé à trop patienter
devant les nombreuses portes en fer érigées sur son parcours
Ne subsiste que quelques soubresauts
vite étouffés au fond de l'eau

 

Le fleuve-frontière vénéré et craint
a tourné le dos à sa Province
il ne reconnaît plus ses rives
Regardez-le!
Le Rhin nous méprise

 Sur les bords du Rhin
il suffit d'un rien
pour glisser des dalles froides
dans les tourbillons de l'Histoire